T comme Têtes Brûlées #ChallengeAZ

Hélas je dois tout de suite calmer vos ardeurs !

Point de référence ici à une célèbre friandise que les plus jeunes d’entre nous doivent connaitre. Point de référence non plus à une non moins célèbre série des années 70 que les plus … je préfère m’arrêter ici.
J’entends vos réclamations, vos protestations. Je suis conspué. Je sais, je sais, la déception est grande, mais attendez de voir !
Ces quelques lignes traiteront des vraies, des seules, des inimitables têtes brûlées. Honnis soient les brigands, voleurs, malandrins, chenapans, vauriens, crapules, scélérats, pirates ou autres coquins !

Pourquoi un tel enthousiasme ? Car il n’est pas question de n’importe quelles têtes brûlées mais de mes propres têtes brûlées, faites maison. En effet, faisant écho au « M » de notre cher Stéphane Cosson, mon mémoire avait pour sujet une branche de ma famille. Et je dois dire que ce qualificatif sied à merveille à certains de ses membres. Les découvertes furent riches, au détriment des victimes certes qui le furent donc un peu moins, les péripéties pour y accéder également. Attention à l’indigestion, je partage avec vous ces petites douceurs !

Je partais tout d’abord du récit familial édulcoré (patriotisme familial oblige) mais essentiel. Je découvrais alors l’histoire de ma grande tante Rose, brave femme du Vexin un peu en avance sur son temps. Une véritable suffragette coiffée à la garçonne ! Mais son souvenir résidait en un seul et unique fait et pas des moindres : un meurtre. Qui ? Pourquoi ? Quand ? Les réponses étaient très succinctes : le maréchal-Ferrant, suite à un viol, début XXe siècle. De quoi rester sur sa faim non ?

La suite de l’histoire, je la découvrais en retrouvant un ouvrage oublié dans la bibliothèque de ma grand-mère : Presles chroniques de 1888 à 1924 de Michel Thaveau. La surprise : un chapitre entier sur le fameux « crime de Presles ».  Me voilà alors avec de nouvelles informations. Le nom de la victime : Pierre GERARD. Une date : le 13 avril 1901. Un lieu d’incarcération : la maison d’arrêt de Pontoise. De quoi partir faire mes emplettes aux Archives Départementales du Val-d’Oise.

Sur le chemin, un petit arrêt sur le site internet des dites archives pour y consulter les numéros numérisés du journal Le Progrès. J’y retrouvais les articles consacrés à mon affaire mais pas que : vols, délits de chasse, coups et blessures et même un viol. Une panoplie complète de forfaits pour mes ancêtres et de quoi rentabiliser très largement mes visites. Crise de foie en perceptive !

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Le Petit Journal N°13996 du 22 avril 1901
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Le Petit Parisien N°8942 du 22 avril 1901
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Le Progrès N°861 du 4 mai 1901
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Le Progrès N°745 du 11 février 1899

Arrivé dans le saint des saints, je recherche les dossiers judiciaires du Tribunal Correctionnel de Pontoise et ne trouve rien. Rapidement la responsable de la salle vient à mon secours : ces actes ne sont pas disponibles sur le site. Ceux-ci sont restés aux Archives Départementales des Yvelines (ex Seine-et-Oise). La déception était de mise. Me voilà privé de dessert !

Néanmoins, étant un éternel gourmand (je pense que vous l’avez deviné), je me rabattais sur les registres d’écrous. En recherchant une date relevée sur le journal, je tombais par hasard sur un autre membre de la famille. Il fallut alors que je me plonge dans la lecture complète des registres pour ne rien louper (quand ils ne comportaient pas de tables). Je profitais enfin de l’odeur si particulière du vieux papier. La poussière s’amassait sur mes doigts et valsait dans l’air à mesure que les pages défilaient. Une vraie mine d’or ces registres d’écrous (possessions vestimentaires, degrés d’instruction, …). Au total une vingtaine de condamnations. Le plus prolifique fut sans aucun doute mon trisaïeul avec pas moins de 12 peines à lui seul !

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Registre d’écrou de LAPORTE Charles Louis Lucie (1872)

Bien que riches en informations, ils ne décrivaient aucunement les raisons des condamnations. Pour pouvoir accéder aux dossiers d’instructions, entreposés à Montigny-le-Bretonneux, je me suis alors tourné vers les bénévoles du site Fil d’Ariane (amicale pensée au passage !). Une fois la demande déposée et après quelques semaines, j’ai donc reçu les documents.
De véritables pépites : témoignages, photos des lieux du crime, écrits de la main de Rose.

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Plan et photographie de la scène de crime (1901)

L’ensemble était significativement à charge pour la pauvre Rose devenue femme de mauvaise vie au sein d’une famille de malfrats (merci la réputation après autant de délits). La thèse retenue par l’accusation : la jeune femme aurait voulu récupérer une somme d’argent promise par ledit GERARD contre « certaines » faveurs. Celle-ci fut condamnée pour homicide volontaire mais avec reconnaissance de circonstances atténuantes : 5 ans de prison et direction la prison pour femmes de Versailles.

Bien décidé à en connaitre autant sur les autres faits divers me voilà parti aux Archives Départementales des Yvelines. Dans la série U, je trouve les traces des tribunaux de Versailles, Rambouillet et Mantes. Pas de Pontoise donc. Là encore, la personne dirigeant la salle de lecture vient à mon aide : en avant-propos de l’inventaire se trouve une note indiquant la dévolution des archives de la Justice aux archives du Val-d’Oise en 1991. Une explication des Archives Départementales du Val-d’Oise s’impose ! Je tombe néanmoins sur l’inventaire de la sous-série 2U qui traite de la cour d’Assises de Versailles. Par chance cet inventaire répertorie les noms des prévenus. Et finalement je tombe sur l’inscription « Louise Rose Augustine LAPORTE – meurtre – Presles ». Bingo ! Et là je retrouve le dossier envoyé par la bénévole du Fil d’Ariane mais également de nouvelles pages, qui ne m’avaient pas été communiquées, comme les témoignages des parents et une lettre de dénonciation du Maire de Presles. Savoureux ! Dans les archives de la cour de Cassation de Versailles existe également la liste des pièces à convictions de l’affaire.

 

Fort de cette visite, et toujours à la recherche de mets délicats, je retourne aux archives du Val-d’Oise pour demander mon compte. Après en avoir parlé au permanent de la salle de lecture, le responsable de l’inventaire monte des salles d’archivages. Pour lui, malgré ce qui est noté dans les inventaires papiers des archives des Yvelines, il ne subsiste qu’une infime partie de ces registres. Le reste fait partie des « oubliettes ». Cette très jolie dénomination désigne les archives perdues, détruites ou endormies dans les sous-sols des archives qui n’attendent que d’être redécouvertes et inventoriées. Malgré mon insistance je n’aurais sans doute jamais accès aux procédures judiciaires et les comptes rendus du tribunal. Flûte !

La visionneuse de la salle de lecture permet cependant d’accéder aux numéros de l’Echo Pontoisien un hebdomadaire qui traite particulièrement des faits divers et des audiences judiciaires entre 1858 et 1941. Ces articles donnent plus des détails comme les différents objets volés ou les personnes concernées. Ceux-ci me permettent de conclure que la majorité des affaires peut être qualifiée de rapine (vols de subsistance, esprits échauffés par l’alcool) et que l’impopularité de la famille tient plus d’une accumulation de faits. Le meurtre fut donc la cerise sur le gâteau.

La recherche du passé judiciaire (s’il existe) de nos prédécesseurs constitue donc un pan incontournable de l’étude généalogique. Elle nous donne une somme impressionnante d’informations et nous présente le cadre social de nos ancêtres. Elle a aussi l’avantage de nous donner une image différente du « gentil papy gâteau » de nos souvenirs d’enfance. Cela peut-être déstabilisant. L’important reste de tout replacer dans son contexte.
Fans de « Faites entrer l’accusé » ou amateurs de petites confiseries allez faire un tour dans les séries U et Y, vous serez comblés !

Sources :

 

Billet rédigé par Loïc VERDIER-LESNE (promotion ColNem) 
Passionné de généalogie depuis plus de 15 ans qui souhaite se diriger vers la généalogie successorale dans un futur très proche.

 

8 commentaires sur “T comme Têtes Brûlées #ChallengeAZ

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  1. En un mot génial !!!!!!
    👍🏼 👍🏼👍🏼👍🏼👍🏼👍🏼
    J’adore ton style et surtout tu as découvert de superbes pépites. On se lance souvent en généalogie en espérant trouver un an être noble ou roi mais le vrai plaisir réside dans ces trouvailles qui font parties des secrets de famille qu’on déterre avec bonheur et bienveillance.
    Merci pour ton superbe article

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  2. Félicitations cousins, tu as de bons résultats bien qu´insufisants, bref une nouvelle affaire Seznec en cour. Bonne chance pour la suite mais combien d´innocents ont mal finis ? Bravo aux associés , ils ont bien travaillés aussi.

    Aimé par 1 personne

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